Un colloque sur la fiscalité, en prélude au budget 2018-2019, a été lancé le jeudi 10 mai 2018 à l’hôtel Montana, sous les auspices du Bureau de comptabilité et d’assistance fiscale (BUCOFISC), autour du thème « Vers une fiscalité inclusive ». Ce colloque de deux jours, selon les organisateurs, vise à recueillir les propositions de mesures fiscales destinées aux pouvoirs publics et à lancer de manière proactive les débats sur le budget 2018-2019.

« Cette initiative s’inscrit en droite ligne dans la gouvernance économique, avec emphase sur le volet fiscal, qui implique la saine gestion des finances publiques et qui a pour corollaire une politique fiscale transparente et équitable », a souligné, dans son discours d’ouverture, Joseph Paillant, expert-comptable et associé principal de la firme Bucofisc. Il s’avère indispensable, estime-t-il, de trouver le point d’équilibre entre les besoins croissants de recettes et la nécessité de stimuler la création des richesses et la formalisation des activités économiques indispensables à l’élargissement de l’assiette fiscale.

Toutefois, a-t-il poursuivi, l’insécurité juridique aussi bien que fiscale tient lieu de véritable gangrène ou goulot d’étranglement à l’environnement des affaires où la concurrence déloyale paralyse toute initiative d’expansion. Pour Ronald Décembre, secrétaire d’État à la Réforme fiscale, qui a pris la parole au nom du ministre de l’Économie et des Finances, absent pour des raisons de santé, le système fiscal haïtien n’est pas au rendez-vous pour assurer l’autonomie financière du pays. « Depuis 2010, nous sommes engagés dans un processus de réforme, de modernisation de recettes, du système fiscal pour faire en sorte que le système fiscal réponde aux grands objectifs économiques et financiers [du pays] », a-t-il rappelé.

« Nous débattons de l’insuffisance des ressources fiscales alors que paradoxalement il y a des impôts oubliés, désuets, des impôts créés, cependant non assortis de définition des mécanismes de prélèvement qui les gouvernent », a fait savoir Joseph Paillant. Reconnaissant volontiers que notre système fiscal est assez complexe, Ronald Décembre promet la modernisation de ces impôts grâce à la réforme.

En attendant, « le fardeau fiscal est supporté par une poignée de contribuables et le potentiel fiscal reste à être exploité », a signalé M. Paillant à l’attention de l’assistance qui a fait le déplacement en grand nombre. « Avec des ressources de 93 milliards de gourdes, soit 1,5 milliard de dollars ou 1,2 milliard d’euros, le pays est asphyxié. Le relèvement indispensable de la pression fiscale passe obligatoirement par la bonne gouvernance, la transparence, les véritables stimulants à la création de la confiance nécessaire entre gouvernants et gouvernés », a-t-il fait remarquer.

« L’impôt n’est pas l’affaire des riches, il est en tout et pour tout le mode de répartition des dépenses publiques », a rectifié Joseph Paillant. La modernité, selon lui, exige que l’impôt soit utilisé pour favoriser un comportement des agents économiques qui réponde aux objectifs définis en matière de développement des entreprises, d’aménagement du territoire ou en tous autres domaines où se déploient les politiques publiques.

Appelant de tous ses vœux des lois fiscales adaptées à la réalité économique haïtienne, Ronald Décembre a noté l’existence de beaucoup d’exonérations dans le système pour très peu de retombées économiques correspondantes. « Il y a lieu de revoir la manière dont ces exonérations sont accordées, de revoir aussi comment les rationnaliser de manière qu’elles soient des exonérations qui favorisent la croissance, qu’elles ne soient pas abusives », a-t-il admis.

Joseph Paillant a enfoncé le clou en déclarant que le pays vit les derniers moments de la complaisance et / ou de l’exclusion fiscale voulue ou tolérée. « Le moment ne tardera pas à venir où l’État acculé, faute de disposer des ressources financières alternatives, se donnera finalement les moyens d’une collecte plus équitable des impôts », a-t-il averti, souhaitant que les capacités contributives de sources diverses finiront par combler le déficit des dépenses publiques. Dans un pays où tout est priorité, dit-il, où tout est défi.

Pour Joseph Paillant, les aspirants dirigeants de la nouvelle Haïti devront faire face aux cinq grands chantiers suivants : l’inclusion politique ou le vote sanction, l’inclusion économique ou le mérite du succès et de l’initiative, l’inclusion juridique ou le respect de la loi et la saine distribution de la justice, l’inclusion financière ou la démocratisation à du financement ainsi que l’inclusion fiscale ou le partage transparent par l’impôt.

« Cela prendra le temps qu’il faut mais les hommes et les femmes politiques doivent déjà penser aux deux grandes décisions qui marqueront profondément la rupture : l’amnistie fiscale liée à la criminalisation de la fraude fiscale », a concédé Joseph Paillant au lancement de cette première sur la fiscalité coïncidant à la phase d’élaboration du budget de la République. Le 31 mai prochain étant la date butoir pour que le Conseil des ministres adopte le projet de budget qui sera déposé au Parlement au plus tard le 30 juin 2018.

Le Nouvelliste

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